Motion de rejet PJLO relatif au renforcement de l’organisation des juridictions

Merci Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Madame la Présidente de la Commission des lois,

Madame, Monsieur les rapporteurs,

Mes chers collègues,

Ce PJLO met en œuvre, au niveau statutaire, les réformes de l’organisation judiciaire engagées dans la cadre du PJL ordinaire, notamment sur la fusion des tribunaux d’instance dans les tribunaux de grande instance, et sur la création, à titre expérimental d’un tribunal criminel départemental.

Notre groupe s’oppose à ce projet de loi organique parce qu’il s’oppose et je dirai même il s’oppose fermement à votre projet global de réforme de la justice.

Avec ce projet, Madame la Ministre, quel objectif poursuivez-vous ? Vous nous promettez, je vous cite : « de construire une justice plus lisible, plus accessible, plus simple et plus efficace ». Ces propos aux relents des plus technocratiques, vous nous les avez martelés pendant des mois.

Pour ma part, je les trouve particulièrement flous et j’ai du mal à en cerner le contenu. Alors, je me suis demandé ce qu’attendaient nos concitoyens de leur justice. Après tout, elle est là la vraie question, vous l’êtes-vous posée ? Depuis que vous êtes garde des sceaux, vous êtes-vous demandée, une seule fois, ce que souhaitaient les français dans ce domaine ?

Ah, suis-je bête, votre majorité est si intelligente, si subtile et si technique, qu’elle n’a évidemment aucune utilité à écouter des gens  qui ne sont rien, des fainéants alcooliques, des gaulois réfractaires à tout changement !

Je ne vous provoque pas, Madame la Ministre, je vous exprime simplement ma plus grande réprobation face à de tels propos tenus à l’endroit de certains de nos compatriotes.

Croyez-vous pouvoir encore longtemps gouverner la France en méprisant à ce point les françaises et les français ?

Alors que veulent nos concitoyens ? Rien de plus simple en vérité. Ils attendent que le droit soit dit rapidement quand ils vivent un conflit et, s’ils sont victimes d’une infraction pénale, ils espèrent que les sanctions soient rapides à défaut d’être immédiates et que les peines prononcées soient effectives.

Pensez-vous vraiment que votre projet de réforme de la justice satisfasse nos concitoyens, satisfasse la Nation que nous représentons ici, dans cet hémicycle ? Un hémicycle chargé d’histoire, une assemblée nationale qui s’est tant battue pour faire respecter notre idéal républicain. Nous pouvons être fiers d’y siéger mais nous avons un devoir, un devoir sans appel, celui de débattre et de dire les choses. Et aujourd’hui le mien est de vous dire que les Républicains considèrent que votre projet n’est pas bon pour les françaises et les français.

Aujourd’hui, ces derniers ignorent ce projet mais quand ils vont découvrir la justice de demain, ils n’auront pas de mots suffisants pour vous exprimer leurs reproches. Et ils auront raison. Mon collègue Antoine Savignat a parfaitement développé le fonds et ses travers inacceptables dans la motion précédente : éloignement du juge, déshumanisation des procédures, justice algorithmique, effacement de la justice de proximité, fusionnement des tribunaux, disparition des jurys populaires pour un certain nombre de crimes, précarisation des droits pour les plus faibles, renoncement à construire le nombre de places de prison qui sont nécessaires, budget insuffisant.

         Or, je vous rappelle que l’éloignement crée la défiance. La précarisation engendre le sentiment inégalitaire. Les renoncements de moyens dans l’univers carcéral, galvanisent le sentiment d’impunité pour les coupables et d’injustice pour les victimes.

         Autant d’ingrédients propices à donner du corps à la défiance généralisée exprimée tant à travers la crise des « gilets jaunes » que dans une innombrable littérature de sciences politiques ou d’études d’opinion.

         Dans sa vaine stratégie pour décrédibiliser ses contradicteurs, historiens improvisés, certains membres de gouvernement ont voulu comparer notre époque aux années 30. Ils avaient raison ! Ils se sont juste trompés de siècle… Nous revivons davantage juillet 1830 que 1930. Charles X était le monarque, Polignac le 1er ministre, tous deux prisonniers de l’immanence de leur supériorité théorique, aristocrates bien nés et bien éduqués, oubliant la transcendance que représente la souveraineté nationale. Au mépris du réel, alors que les barricades envahissent Paris, le monarque et son ministre jouent aux cartes au son du canon ! On connait la suite.

Madame la Ministre, votre projet de réforme peut satisfaire Bercy, peut vous satisfaire car vous n’en mesurez pas la portée politique, peut satisfaire les plus aisés, peut satisfaire les voyous mais elle ne satisfera pas les français. Voilà encore un sujet qui sera mis au passif de votre gouvernement.

         Mes chers collègues, le temps de la communication doit cesser. Celui de l’aveuglement partisan aussi. Brisez le sectarisme qui vous fait ignorer sans discernement les amendements et propositions des oppositions ici présentes. Au point de finir par alimenter des contestations populaires nous accusant de ne point les écouter, les comprendre et les défendre. Notre régime parlementaire a-t-il vécu ? Devons-nous changer de république car nous n’avons plus suffisamment de courage pour faire vivre la nôtre ?

Et puis, si tel doit être votre comportement, quelle crédibilité peut avoir le grand débat lancé aujourd’hui ? Celui de bluffer la Nation ?

         Nos collègues du sénat ont fourni un travail remarquable sur les projets de réforme de la justice. Allez-vous balayer d’un vote obtus ce travail ? Vous l’avez fait pour leur proposition de loi sur les « casseurs » avant de vous apprêter, sous l’impulsion gouvernementale, à reprendre sinon l’intégralité de leurs propositions du moins l’immense majorité d’entre elles. Gagnons du temps, cessez de vous soumettre, votez en votre âme et conscience de représentants du peuple, ce qui est bon pour le pays plutôt que ce qui sert la néfaste stratégie technocratique de l’exécutif.

         Les présents textes constituent une occasion supplémentaire de vous révéler dans le rôle que les institutions vous attribuent chers collègues. Un rôle que vous avez, jusqu’à présent, méconnu, ignoré ou méprisé pour l’écrasante majorité d’entre vous. Vous êtes les représentants de la Nation et non les supplétifs dociles du pouvoir exécutif. Les français vous regardent et vous jugent et à travers vous ils jugent aussi la représentation nationale et son rôle dans l’équilibre des pouvoirs.

Je vous appelle à voter cette motion de rejet

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *