Réforme de la justice : M.le député jean-louis MASSON dénonce la déconnection du gouvernement avec la vie des gens

Au delà du texte sur la réforme de la justice, M.le député jean-louis MASSON dénonce la déconnection du gouvernement avec la vie des gens. D’un côté le grand débat et de l’autre on continue comme avant.


Motion de renvoi en commission projet de loi organique


Merci Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Madame la Présidente de la Commission des lois,

Madame, Monsieur les rapporteurs,

Mes chers collègues,

Ce PJLO met en œuvre, au niveau statutaire, les réformes de l’organisation judiciaire engagées dans la cadre du PJL ordinaire, notamment sur la fusion des tribunaux d’instance dans les tribunaux de grande instance, et sur la création, à titre expérimental d’un tribunal criminel départemental.

Notre groupe s’oppose à ce projet de loi organique parce qu’il s’oppose et je dirai même il s’oppose fermement à votre projet global de réforme de la justice.

Avec ce projet, Madame la Ministre, quel objectif poursuivez-vous ? Vous nous promettez, je vous cite : « de construire une justice plus lisible, plus accessible, plus simple et plus efficace ». Ces propos aux relents des plus technocratiques, vous nous les avez martelés pendant des mois.

Bien naïf celui qui aurait espérer que vous imaginiez tout simplement une justice plus juste. C’est-à-dire une justice mise dans les conditions de dire le droit plus clairement, plus rapidement et de s’assurer fermement de la mise en œuvre de ses jugements. A priori, il peut s’agir de nuances, en réalité, c’est une différence de nature.

Vos objectifs peuvent être atteints avec une approche technique, c’est d’ailleurs ce que vous faîtes. Ceux que je désigne nécessitent une approche humaine, une réflexion de fond et des projets d’une stature nettement plus élevée !

La démarche diffère aussi part sa logique. Son point de départ met à égalité la vision des spécialistes et les attentes citoyennes. Elle vise ensuite à accorder les unes aux autres et non à imposer les premières faisant fi du sentiment citoyen !

Forts de vos certitudes, de votre majorité et emplis d’égo, vous pouviez l’ignorer avant la démarche du grand débat ! Mais aujourd’hui ? La redécouverte ou plus exactement la découverte des vertus de la délibération, de l’écoute citoyenne, des vertus de l’expérience de terrain devrait remettre en cause votre approche. C’est cela ou alors vous illustrez par avance que ce grand débat est une manœuvre dilatoire !

Demandez-vous ce qu’attendent nos concitoyens de leur justice. Telle est la vraie question ! Vous l’êtes-vous posée ? Depuis que vous êtes garde des sceaux, vous êtes-vous demandée, une seule fois, ce que souhaitaient les français dans ce domaine ?

Ces dires de profanes peuvent être marqués au sceau du bon sens. Or, le bon sens n’est pas un intrus dans la matière juridique. Il me paraît même un vecteur intéressant en ce qui concerne la simplicité.

Quoiqu’il en soit, vous ne pourrez plus gouverner la France en méprisant à ce point les françaises et les français !

Que veulent nos concitoyens ? Rien de plus simple en vérité. Ils attendent que le droit soit dit rapidement quand ils vivent un conflit et, s’ils sont victimes d’une infraction pénale, ils espèrent que les jugements soient exécutés avec diligence à défaut de l’être immédiatement et que les peines prononcées soient effectives.

Nos concitoyens s’élèvent contre l’affaiblissement, l’éloignement et la complexité des services publics. Or, vous en conviendrez, la justice n’est pas un service public comme un autre. C’est une compétence régalienne. C’est un devoir d’Etat envers nos citoyens. C’est la contrepartie élémentaire de la soumission citoyenne aux lois.

Mme la Ministre, votre projet n’est pas en adéquation avec ces attentes. Deux séries d’indices étayent ce constat :

D’abord, l’ensemble des professionnels du droit réagissent mal. Quand magistrats, avocats, greffiers, plus discrètement policiers, se prononcent en cœur contre, vous ne pouvez pas invoquer la résistance corporatiste ! Si leurs approches divergent, ce qui les unit fondamentalement, c’est leur attachement viscéral à la justice de notre pays. Aussi, quand leur cri est unanime, c’est que les choses ne vont pas dans le bon sens. Vous ne pouvez l’ignorer. Vous le vivez à chacun de vos déplacements. Vous l’avez encore vécu vendredi matin à Toulon. Vous ne pouvez plus bouger sans être assurée de vous retrouver face à un comité d’accueil hostile. C’est un signe qui ne trompe pas !

Ensuite, lorsque l’ensemble des groupes d’opposition, dans leurs diversités politiques, philosophiques clament à l’unisson que les projets sont mauvais, cela devrait vous alerter. Cela devrait vous faire prendre conscience que vous touchez à des principes qui transcendent les engagements partisans, c’est-à-dire à des principes profondément républicains.

A maintes reprises, sur d’autres sujets : la fiscalité, la mise à l’écart des élus et institutions locales, nous vous avons dit ici, chacun avec nos sensibilités, que vous faisiez fausse route. Sourds à nos avertissements, vous avez plongé le pays dans une crise dont vous ne parvenez toujours pas à le faire sortir… Combien d’actes encore avant que nos concitoyens, nos entreprises, nos commerces puissent à nouveau connaître des samedis sereins ?

Pensez-vous vraiment que votre projet de réforme de la justice satisfasse nos concitoyens, satisfasse la Nation que nous représentons ici, dans cet hémicycle ? Un hémicycle chargé d’histoire, une assemblée nationale qui s’est tant battue pour faire respecter notre idéal républicain. Nous pouvons être fiers d’y siéger mais nous avons un devoir, un devoir sans appel, celui de débattre et de dire les choses. Et aujourd’hui le mien est de vous dire que les Républicains considèrent que votre projet n’est pas bon pour les françaises et les français.

Aujourd’hui, ces derniers ignorent ce projet mais quand ils vont découvrir la justice de demain, ils n’auront pas de mots suffisants pour vous exprimer leurs reproches. Et ils auront raison. Mon collègue Antoine Savignat a parfaitement développé le fonds et ses travers inacceptables dans la motion précédente : éloignement du juge, déshumanisation des procédures, justice algorithmique, effacement de la justice de proximité, fusionnement des tribunaux, disparition des jurys populaires pour un certain nombre de crimes, précarisation des droits pour les plus faibles, renoncement à construire le nombre de places de prison qui sont nécessaires, budget insuffisant.

         Or, je vous rappelle que l’éloignement crée la défiance. La précarisation engendre le sentiment inégalitaire. Les renoncements de moyens dans l’univers carcéral, galvanisent le sentiment d’impunité pour les coupables et d’injustice pour les victimes.

         Autant d’ingrédients propices à donner du corps à la défiance généralisée exprimée tant à travers la crise des « gilets jaunes » que dans une innombrable littérature de sciences politiques ou d’études d’opinion.

Madame la Ministre, votre projet de réforme est soumis à la volonté des financiers ! Si cela peut vous satisfaire c’est que vous n’en mesurez pas la portée politique. Il peut satisfaire les plus aisés comme il peut satisfaire les voyous mais jamais il ne satisfera pas les Français. Or notre devoir et notre honneur sont de les représenter !

Sinon, c’est la question même de notre régime parlementaire qui se pose ? Devons-nous changer de république car nous n’avons plus suffisamment de courage pour faire vivre la nôtre ?

Si la surdité et l’aveuglement perdure tant dans l’exécutif que dans les rangs de la majorité parlementaire quelle crédibilité peut avoir le grand débat lancé aujourd’hui ? Celui de bluffer la Nation ? Celui de soulager temporairement les inquiétudes sondagières présidentielles ?

         Nos collègues du sénat ont fourni un travail remarquable sur les projets de réforme de la justice. Allez-vous balayer d’un vote obtus ce travail ? Ne faîtes pas preuve de sectarisme. Acceptez la main tendue sans arrière pensées politiciennes. Vous le devez aux Françaises et aux Français.

          Vous l’avez fait pour la proposition de loi sur les « casseurs », sous l’impulsion gouvernementale. Nous avons repris sinon l’intégralité de leurs propositions du moins l’immense majorité d’entre elles. Certains ont d’ailleurs enfin fait montre de la valeur qu’ils accordaient à, leurs convictions personnelles. Vous pouvez franchir un nouveau pas en démontrant que le sens de votre vote ne dépend pas de l’orientation de la girouette gouvernementale !

         Gagnons du temps, cessez de vous soumettre, votez en votre âme et conscience de représentants du peuple, ce qui est bon pour le pays plutôt que ce qui sert la tactique brouillonne et confuse de l’exécutif.

         Le Président Ferrand vous a rappelé l’indépendance qui est la nôtre, nous assemblée nationale. Il a nommé au conseil constitutionnel la personnalité de son choix et non celle qui servait les plans politiciens de l’Elysée.

         Les présents textes constituent une occasion supplémentaire de vous révéler dans le rôle que les institutions vous attribuent chers collègues. Un rôle que vous avez, jusqu’à présent, peut-être sous-estimé. Vous êtes les représentants de la Nation et non les supplétifs dociles du pouvoir exécutif. Les français vous regardent et vous jugent et à travers vous ils jugent aussi la représentation nationale et son rôle dans l’équilibre des pouvoirs.

Je vous appelle à voter cette motion de rejet

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